J’ai rencontré Angelos dans le métro. Je rentrai d’Athènes, il avait dû me repérer dans l’avion car en s’asseyant en face de moi, il m’a demandé comment s’était passé le vol pour moi. Beaucoup de turbulences, j’ai eu envie de pleurer et d’écrire des SMS à mes parents pour leur dire que je les aime (des fois que mon portable n’explose pas dans le crash de l’avion et envoie mes messages) mais je ne l’ai pas fait et à la place j’ai relu pour la millième fois la page de mon livre glauque (un conseil, ne pas prendre de livres noirs dans l’avion, plutôt un truc du genre les minettes à la plage à New York qui boivent du champagne en gloussant). Bref, je lui ai répondu que j’avais dormi et que les turbulences m’avaient bercée. Ce qui est au fond un peu vrai, dans la mesure où l’avion qui tremble… Ça m’excite un peu. Ça me rappelle mes compétitions de cheval quand j’étais gamine. À 12 ans, cet âge magique où l’on n’ose pas encore poser franchement son doigt sur son clitoris mais qu’on y collerait n’importe quoi pour le faire vibrer.
En plongeant mon regard dans les yeux noirs d’Angelos, assis en face de moi, je me demande si les mecs aussi sont excités dans l’avion. J’ai le vague souvenir d’un ex qui me racontait que oui, au bout de 10 heures de vibration il en avait mal aux… Bref, que c’était la même chose, en beaucoup plus désagréable.
D’où le fait qu’on devrait être autorisés à baiser dans les avions si vous voulez mon avis. Histoire de soulager tout le monde. Au final c’est peut-être de là que vient la réputation des hôtesses de l’air et des stewards… Ils se rendent service mutuellement.
J’en étais là de mes réflexions quand Angelos m’a demandé où je descendais. -Gare de l’est. -Moi aussi.
Soulagement, contente de ne pas marcher seule à gare de l’est à 1h du matin un mardi soir.
Questionnement, vraiment, tu descends toi aussi à gare de l’est ?
Excitation, fait intéressant.
-Tu habites là ?
-Non, je repars à Lyon demain matin, je passe la nuit chez un ami car il n’y a plus de train.
-Ok.
Je pense à mon appart’, j’espère que les airbnb l’ont laissé en bon état en partant. Pas de raison, ils avaient l’air mignon. Je pense aux machines de draps qui m’attendent. Airbnb c’est zéro développement durable. Tu laves des draps qui ont été utilisés 3 nuits, juste car tu pars du principe qu’un autre humain a peut-être bavé dessus, et qu’un couple a sûrement baisé dedans. Mais au fond, est-ce si grave ? Va-t-on mourir d’une maladie en dormant sur une mini tâche de sperme séché invisible ? Parce qu’en trois mois toi tu fais mieux peut-être ?
Putain, me revoilà qui frissonne. Je suis vraiment en manque. Et puis Angelos, son physique d’éphèbe et ses yeux noirs, ça n’aide pas, vraiment pas.
On s’approche doucement de gare de l’est. Angelos et moi on ne s’arrête plus de parler. D’Athènes, de la température de l’eau, de la moiteur l’été, des îles, de son boulot (webdesigner), de mon boulot (auteur de nouvelles érotiques)… Ça paraît évident mais je m’amuse toujours de cette petite lueur qui s’allume dans le regard des mecs à qui je dis que je suis auteur de nouvelle érotique. En général ça donne :
-Tu fais quoi dans la vie ?
-Auteur.
-Ah, et tu écris quoi, enfin quel genre ?
-Des nouvelles érotiques pour différents magazines.
-Ah, oh. Regard enflammé, mains qui ne savent plus où se mettre, regard curieux. Les mecs ont toujours été un peu mal à l’aise à l’idée qu’une fille sache ce qu’elle aime, où elle l’aime et comment. D’un côté ça les excite grave, d’un autre ça les perturbe. Le nombre de mecs qui sont restés bite molle dans un plan à 3. Deux filles qui se touchent et n’ont pas besoin de lui, ça l’angoisse. Mes nouvelles érotiques c’est un peu la même chose, le mec ça l’excite de m’imaginer mettre en mots mes fantasmes, et – encore mieux, mes aventures, de l’autre ça l’angoisse l’idée que je crée comme ça une communauté de filles qui s’excitent et se touchent le soir sans un homme à leur côté. Tu ôtes l’épée à son prince et c’est la fin.
Angelos n’a pas trop su comment enchaîner, il a rangé ses lunettes de soleil, enfilé un pull, on arrivait. On est sortis, on s’est mis à marcher dans la même direction, puis je suis arrivée au croisement de ma rue. Je me suis arrêtée, on a encore bavardé une seconde, il m’a serré la main, son sourire était sincère, il m’a dit qu’il avait été ravi de me rencontrer et il est parti. Je me suis engagée dans ma rue. Je me suis arrêtée une seconde. J’ai poussé un soupir. Je me suis retournée. Angelos !
Il est revenu sur ses pas. Je n’ai rien dit. J’ai souri. J’ai fait un signe de tête.
Il a souri. Il a rajusté son sac sur son épaule. Il m’a suivie.
On est montés chez moi. On a posé nos sacs dans l’entrée. Je n’ai pas pris le temps d’allumer la lumière. Mes mains se sont posées sur son visage mal rasé et sa langue a rencontré la mienne. S’est précipitée sur la mienne. Mes dents s’invitaient sur ses lèvres. C’était si bon, si bon de laisser enfin aller toutes ces vibrations de l’avion. De laisser parler mon clitoris frustré de n’avoir pu me toucher sur mon siège. De laisser aller son érection pour de bon, sans tenter de la contrôler. Nous nous sommes jetés l’un sur l’autre. C’est ce qui est si bon avec ce genre d’aventures. Tu as assez confiance en l’autre pour te laisser aller, et tu sais très bien qu’il n’y aura jamais de question, qu’il n’y aura pas de lendemain, aucune raison de se revoir ou de chercher à.
Il a arraché son tee-shirt, j’ai déboutonné son jean puis le mien. Il a arraché mon tee-shirt, mon soutien-gorge. Il ne quittait pas ma bouche, il n’a pas pris le temps de me regarder. Nos mains se sont chargées de ça, savoir contre quoi on allait transpirer, glisser, jouir. Je n’ai pas eu envie de marcher jusqu’au lit. J’ai écarté les papiers, plans de Paris et autres guides de l’appartement sagement rangés sur la table. Il m’a soulevée, m’a posée sur la mosaïque froide. J’ai poussé un petit cri. -Ça va ? -C’est froid. -Ta chambre ? -Non, j’aime ça. -Le froid ? -La douleur. Retour de la lumière dans les yeux. -Raisonnable la douleur. Il s’est à nouveau jeté sur ma bouche, a mordu dans ma lèvre, a pincé mes fesses, a arraché mon slip. Je gémissais de plaisir. -Moi j’aime ça. -Quoi ? -T’entendre. Le bruit. Les mots. -Vas-y. -Touche-toi. Oh, bonheur, moi aussi j’adore ça. Angelos, vraiment une bonne idée ce soir. Je lèche mon doigt et le pose sur mon clitoris. Angelos mord ses lèvres en fixant le mouvement de ma main. Continue. Touche tes seins. Retourne-toi. Je me retourne, le ventre, les seins collés à la table froide, les pieds au sol. Écarte les jambes. J’écarte les jambes. Sa langue vient se poser sur mes fesses, entre mes fesses. Son nez, sa langue entre mes fesses. Aucune gêne, plaisir, seulement plaisir. Puis il se relève. Attrape mes cheveux d’une main, tire dessus, je me cambre. Il pince ma fesse avant de me pénétrer. Vraiment, Angelos c’était une bonne idée.
Illustration : Flickr Licence CC Ivan Constantin