Depuis quelques années (les sixties aux States et plus récemment chez nous), certains courants féministes devenus mainstream se revendiquent d’une maternité au passé lourd, douloureux bien que fondamental : les sorcières, femmes dont l’indépendance et les savoirs paniquaient assez les instances dominantes de l’époque (clergé, noblesse, médecins) pour se voir envoyés au bûcher – nous donnant ici l’une des premières guerres européennes systémiques contre le féminin. Ajoutez à ce travail de réhabilitation historique la remise en question d’une science masculinisée incapable de se défaire des paradigmes de rationalité et de progrès absolutistes hérités des années Descartes : vous avez l’un des cocktails expliquant la réappropriation de la figure de la « sorcière » par la jeunesse féministe.
Nous vous voyons venir avec vos banderoles présentant en lettres rouge majuscules : « ésotérisme de comptoir », « obscurantisme galopant », « attaque fanatique contre la Sciences », « charlatanisme à baguette », « marché de dupe pour femelles émotives, superstitieuses et paumées » – et à la vérité, le business de la sorcellerie rapporte beaucoup. Mais cela n’empêchera pas la sorcière d’évoquer – outre une aura d’insoumission gothique bien agréable – une puissance phénoménale due à son travail, une relation aimante à la nature et une attitude humble face à l’étendue de l’ignorance humaine. À travers sa figure (le manga Castelvania, pour ne citer que lui, ne s’y est pas trompé), sciences et spiritualité cessent d’être antinomiques pour même, soyons fous et folles, s’enrichir : Joseph Osmundson, tête scientifique de Food 4 Thot détenteur d’un PhD en biophysiques, mettait récemment en lumière les idéologies rampantes sous-tendant l’apologie d’une rationalité toute puissante, et rappelait que cette rationalité mécaniste était mise à mal au cœur même de la discipline scientifique, via une des spécialités les plus excitantes de la physique – la physique quantique.
En parlant féminisme et sorcellerie, Broadly (le bras armé queer de Vice) vous présente ici Bri Luna, créatrice et fédératrice du coven de Hoodwitch. Communauté comptant des milliers de fans, Hoodwitch nous parle spiritualité, rituels et phytothérapie mais aussi sexualité, politiques et bien entendu Femme. À lire ici.
Marie Lodie, 16/10/2015