Quand Blanche s’est plainte, elle allait fêter son septième anniversaire. Elle a expliqué à sa maman « avoir mal en haut ». « Ses seins étaient rouges et gonflés, raconte Inès. On sentait l’équivalent d’une grosse olive de chaque côté. » Quelques jours plus tard, le pédiatre émettait l’hypothèse d’une puberté précoce. « Le ciel nous tombait sur la tête ! Cela ne collait ni avec l’âge de Blanche ni avec sa passion pour ‘Vaiana’ », poursuit Inès. Radio du poignet gauche, analyse des courbes de poids et de croissance, échographie pelvienne mesurant l’utérus et les ovaires… Le bilan confirme les craintes du pédiatre. Si elle n’est pas bloquée, la puberté précoce de Blanche entraînera l’arrivée des règles à 9 ans et limitera sa croissance. Elle risque de ne jamais mesurer plus de 1,45 m. Durant deux à trois ans, des injections hormonales trimestrielles vont lui permettre de continuer à grandir en suspendant ce phénomène. De plus en plus fréquentes, ces pubertés inattendues inquiètent les parents et interrogent les médecins. Dans les cabinets des spécialistes, on ne s’étonne plus de voir des petites filles dotées de poils pubiens dès le CE2, voire des fillettes avec des seins au CP. Au point que certains évoquent une « épidémie ».
Au cours de l’histoire, l’âge de la puberté féminine a beaucoup évolué. Au Moyen Âge, les règles arrivaient vers 16 ans. Or, depuis les années 50, elles se stabilisent à 12-13 ans. Pourquoi ? Parce que notre alimentation a changé, en quantité et en qualité. Reste que, durant des millénaires, l’apparition des seins, des poils pubiens et des règles se déroulait sur une période de deux à trois ans. Cela a bougé. « On sait depuis plusieurs années que la puberté évolue, confirme Monique Jesuran-Perelroizen, pédiatre, endocrinologue et présidente de l’ Afpel (1). Des études danoises récentes ont montré que, si les règles arrivent toujours à peu près au même âge (vers 12 ans), l’apparition des seins a lieu avant 10 ans, contre 11 en moyenne dans les années 90. Selon une étude américaine de 2010, 15 % des fillettes avaient des seins à 7 ans (10 % des filles blanches, 15 % des Hispano-Américaines et 23,5 % des Afro-Américaines ; ces statistiques ethniques – proscrites en France – plaident pour une composante génétique). À 8 ans, c’étaient 27 % des fillettes qui avaient des seins. On assiste à un allongement de la puberté féminine, qui commence nettement plus tôt qu’avant (avec des ‘bourgeonnements mammaires’ qui vont et viennent) ou qui, parfois, débute bien plus tard. » Du coup, la définition de la puberté est elle-même en discussion.