Antoine

Je me rappelle ses mains sur moi. La toute première fois qu’il les posa. Sur les remparts de pierre de ce village au fin fond du Haut-Var où l’on s’était rencontrés. Stupide fête de village mais des émotions qu’on ne connaît que là. Sur ces places moyenâgeuses aux lampions lumineux, où l’on se presse pour picoler et manger tous ensemble. Où l’on danse, où les regards se croisent. Il était de l’autre côté de la place, je me rappelle ne l’avoir pas quitté des yeux. Son pantalon de lin, sa chemise trouée ouverte à moitié, ses cheveux en bataille, mon beau comédien, je brûlais déjà pour toi. Je me rappelle ton regard sur ma peau, tu étais de l’autre côté de la place, je me rappelle qu’on ne s’est pas quitté des yeux. Et puis il y a eu la foule, je t’ai perdu, les feux qu’on allume, les chansons. J’ai fini mon assiette et j’ai marché jusqu’au rempart. J’ai grimpé les marches, escaladé le muret, me suis assise sur le toit du cabanon là tout là-haut. Regard perdu dans les vignes, les oliviers qui descendaient entre les collines. Cinq minutes de fausse solitude avant de sentir ton souffle sur ma nuque.
-Bonsoir.
Murmure dans mon oreille.
Bonsoir bel inconnu.
Ta voix grave, ta façon de rouler tes cigarettes. Tes yeux bleus sans fond.
Je me rappelle tes mains sur moi ce deuxième soir.
-Rendez-vous sur le toit, amène du vin.
Deux bouteilles. La nuit, les bruits de la nuit, la brise tiède des soirs de juillet. Tes mains sur moi.
-J’ai une copine.
-Je m’en fous.
-Moi aussi.

Mes yeux dans les tiens. À califourchon sur le muret, tu m’as attrapée par les cuisses, tu m’as tirée vers toi. Je t’ai regardé dans les yeux, j’ai souris, allumeuse, j’ai repris du vin. À quelques centimètres de ta bouche j’ai repris du vin, renversé la tête en arrière, avalé avec délice, mes lèvres rougies, trempées d’alcool, suintant de désir. Pas question de fantasme ce soir mais de souvenir. Toi mon beau comédien.
Tu as balancé la bouteille au sol, attrapé mon visage, écrasé tes lèvres sur les miennes. Tu m’as mordu la langue, j’ai crié. Début d’une habitude dans tes bras mon amour. Très vite tes doigts se sont glissés sous ma robe, ont trouvé ma culotte, m’ont trouvé. Quatre heures du matin, à califourchon sur le rempart, pierres chaudes millénaires, toi, moi, nos désirs et nos doigts, mon vagin trempé, mes gémissements, la nuit. J’ai déboutonné ta chemise tu te souviens, les yeux emplis de plaisir, jouissance dans mes sourires, j’ai déboutonné ta chemise, tu t’es appuyé sur les coudes, la tête vers les étoiles, et moi, à quatre pattes sur le rempart j’ai embrassé ton torse, j’ai mordu à ta peau, descente, j’ai léché ton nombril, ton sexe dur contre mes seins, ton regard perdu vers le ciel, le reflet de la lune sur nos corps débraillés. Les bretelles de ma robe qui tombaient sur mes hanches, mes seins bronzés blanchis par la lune, mes cheveux blonds reflets d’argent, j’ai déboutonné ton pantalon de lin, pris ton sexe dans ma main, puis dans ma bouche, tu as soupiré, gémis. Je me rappelle du goût de ton sexe dans ma bouche, le meilleur goût du monde, à jamais le meilleur goût du monde tu sais. Ma langue, mes baisers, la pierre calcaire qui me râpait les cuisses, les fesses, ton sperme dans ma bouche, ton sperme dans ma gorge, tes lèvres sur les miennes, le goût d’alcool, le goût de sel, nos bouches trempées. Tu t’es relevé d’un coup, debout sur le rempart, à moitié nu, tu as pris ma main, nous avons longé le mur jusqu’au toit du cabanon là-haut, les pierres chaudes parsemées de lichen griffaient ma peau. Assise face aux oliviers, aux vignes, aux lumières des piscines. Tu t’es penché sur mon corps, tu as pris mes seins dans tes mains. Jamais ils ne se sont sentis mieux que dans tes mains tu sais, jamais. Tu y as mordu, mes tétons dressés entre tes dents je t’ai entendu sourire, tu m’as tendu la bouteille de vin, et pendant que tu léchais mes seins, j’ai bu, j’ai bu en souriant, en riant, j’ai ri quand l’alcool a dégouliné sur ton visage, alors tu m’as embrassé comme un fou, comme un monstre de désir, un monstre de la nuit, toi mon comédien, moi poète, mes carnets dans mon sac, rempli de mots d’amour écris à la lumière du jour. Tu as relevé ma robe, arraché ma culotte, la tête dans les étoiles j’ai senti ta langue, j’ai senti tes doigts, tes baisers, tes lèvres, unité parfaite, toi, moi, le sud de la France, la nuit tiède des mois de juillet, les pierres chaudes. Jusqu’au petit matin on s’est embrassés comme des fous, à moitié nus à moitié débraillés, on s’est léchés, sucés, branlés, embrassés, comme des fous, drogués à l’été, drogués à nos passions, ton théâtre, mes cahiers, nos deux peaux brûlantes l’une contre l’autre. Je n’oublierai jamais Antoine, crois-moi je n’oublierai jamais.

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