Le 5 mai 2018 à Berlin, trois artistes issues du collectif Vulvae ont ouvert leur exposition « Feel the V », qui célèbre la diversité des vulves au naturel. Rencontre avec les pétillantes Ellebasi Gorengpeng, Ida Aniz et Cecilie Bluthardt.
La question à 1000 balles : c’est quoi une vulve ?
- C’est beau !
- C’est fun !
- C’est… visible !
Voici ce que l’on pourrait répondre en regardant les œuvres des artistes Vulvae à leur exposition « Feel the V », dans les locaux du restaurant Nobelhart & Schmutzig : des illustrations pop, des vulves en série, comme des Marylins de Warhol, de toutes les couleurs, et de toutes formes, elles. Des sculptures en 3D, dressées, fières, sur un trépied. Des vulves en plastique flashy, comme des LEGO®.
Dans le monde créé par Vulvae, la vulve a droit de cité, indépendamment du reste du corps : « On a voulu détacher la vulve de la personne et la considérer comme un organe à part entière, au même titre que la main, le nez, la bouche. L’idée c’est de dire que la vulve ne définit pas notre identité, en tant que femme, homme ou autre. Notre identité n’est pas définie par les organes qui nous sont donnés à la naissance », expliquent les artistes.
Vulvae, c’est qui ? Ce nom, qui signifie « vulves » en latin (« parce que nous sommes nombreuses », expliquent les artistes), désigne un collectif d’artistes post-féministe créé en 2017 par Ida Aniz, Ellebasi Gorengpeng et Cecilie Bluthardt. En tout, le collectif rassemble de nombreux et nombreuses autres artistes vivant pour la plupart à Berlin, chacun et chacune traitant ses thématiques à sa manière. Leur ambition est d’inclure toujours plus d’artistes de tous horizons à leur projet et d’étendre le mouvement à l’international.
Célébrer la vulve au naturel
Crédits photos : Aleksandra Duleba (https://www.instagram.com/szary_szum/)
Le déclic a eu lieu l’an dernier, quand elles ont vu le film « Vulva 3.0 » d’Ulrike Zimmermann et Claudia Richarz, sur les opérations de chirurgie esthétique des parties intimes chez les femmes (labiaplastie) : « On ne savait pas que cela existait dans de telles proportions. Ça nous a réveillées. »
Les artistes veulent encourager les gens à aimer leur corps et à célébrer la beauté et la diversité des vulves : « Nous voulons promouvoir le corps humain au naturel, l’absence de normes vis-à-vis de celui-ci et souhaitons le libérer d’un idéal de beauté imposé par la société, notamment en ce qui concerne l’apparence du sexe. »
Éduquer sur la forme de la vulve
Mais l’objectif est avant tout d’éduquer, en transmettant des connaissances sur l’anatomie. En tant qu’infirmière diplômée, Ellebasi a été surprise de constater que le manque d’éducation sur les organes sexuels féminins s’étend au milieu hospitalier : « Dans le cadre de ma formation à l’anatomie, on ne m’a pas appris à quoi ressemble un clitoris par exemple. Ce sont des choses que j’ai apprises grâce à mes propres recherches. » Selon elle, ce manque d’éducation contribue à la communication d’un sentiment d’angoisse et de honte vis-à-vis des organes sexuels féminins.
C’est pourquoi aujourd’hui, étudiante en arts appliqués, Ellebasi crée des liens entre ses connaissances médicinales en anatomie et l’art. Il s’agit par exemple d’expliquer la différence entre le vagin et la vulve, ou encore d’éduquer sur la structure et la fonction de cette-dernière.
Sortir la vulve de l’invisibilité
Comme le soulignent les artistes, « dans la société de manière générale, l’idée subliminale c’est que l’homme se distingue par sa présence, sa visibilité : le phallus doit être grand, fort, remarqué, bruyant, présent. En revanche, la vulve est rendue invisible, petite, étroite. » Cela commencerait par le fait que l’on parle essentiellement du vagin pour désigner les organes sexuels féminins. Or, le vagin ne se voit pas ; alors que la vulve est à l’extérieur, visible. Les artistes regrettent notamment le manque d’éducation autour du développement de la vulve dans le système scolaire : « Nous apprenons que les seins et les poils poussent, que le corps change, mais je ne me souviens pas que quelqu’un m’aie dit qu’il y a également une vulve qui pousse ! Et soudain, elle est là, et il n’y a personne pour te dire que c’est parfaitement normal. »
Grâce aux œuvres de l’expo « Feel the V », exposées en vitrine d’un restaurant près de Checkpoint Charlie, impossible de passer à côté de cet organe. Comme le souligne le trio Vulvae, « la vulve n’est pas invisible. Nous ne sommes pas invisibles. »
À l’avenir, les artistes ne souhaitent cependant pas se limiter à la vulve : « Nous voulons éduquer et faire de l’art avec tous les genres, remettre en question le système binaire hommes/femmes et montrer ce qui existe au-delà de ces deux genres. Il n’y a pas que des hommes, des femmes et des trans. Il y a tant de formes de sexualité et d’amour, et nous allons élargir l’éventail de notre art en conséquence. »
Pouvoir parler de la vulve avec légèreté
« Nous voulons montrer la vulve dans d’autres contextes que celui du porno ou de la médecine. » Via des représentations ludiques de la vulve, Vulvae permet de parler des organes sexuels avec une certaine légèreté. « Nous voulons inciter à la libre-pensée, à se détacher de cette honte, selon laquelle les organes sexuels seraient sales, qu’ils ne devraient pas être montrés. » Au vernissage de l’expo, on pouvait ainsi déguster des tuiles de caramel en forme de vulve, à l’aspect très réaliste. C’était surprenant, second degré (et donnait envie de lécher).
Pour vous rendre sur le site du collectif, c’est par ici. L’exposition se tiendra jusqu’à la fin de l’année, à l’adresse suivante : Nobelhart & Schmutzig Friedrichstraße 218 10969 Berlin-Kreuzberg
Photo de Une : de gauche à droite : Cecilie Bluthardt, Ida Aniz et Ellebasi Gorengpeng (par Aleksandra Duleba)