Hier, ma copine Léa pour ne pas la nommer, m’a dit qu’il fallait que je fasse attention, que je pouvais parfois paraître arrogante. Moi au début j’ai cru qu’il fallait que je fasse attention parce qu’il y avait une guêpe autour de moi ou un moustique sur le point de me piquer (encore une fois) sur ce qu’il reste de mon genou (vraiment vous trouvez encore de la place les gars – les meufs ?) mais non, il fallait que je fasse attention à moi-même. Je pourrais paraître ar-ro-gante.
Attention, à vos Larousses !
Arrogance : Attitude qui se manifeste par des manières hautaines, blessantes.
Je serai donc hautaine et blessante. Enfin je pourrais paraître hautaine et blessante. Mais bon, on va dire que le conditionnel n’était là que pour faire passer le suppo. Au fond Léa voulait parler à l’indicatif je suis sûre. Or, mes nombreuses années de thérapie de groupe m’ont appris qu’il est important de prononcer ses jugements en parlant pour soi. Par exemple, on ne dit pas : « Quand tu parles du viol de ton chat par ton chien on sent qu’en fait tu fantasmes sur l’idée de te faire prendre par derrière Jean-Paul », on dit, « quand j’entends l’histoire du viol de ton chat par ton chien ça me fait penser à l’idée de se faire prendre par derrière Jean-Paul ». Vous trouvez ça stupide ? Là encore vous pensez que c’est un moyen détourné de fourrer un suppo dans le cul de Jean-Paul ? Oui et non, car au fond c’est vrai, ce que vous entendez et le jugement que vous émettez vient de VOUS. Du coup, quoiqu’elle en dise, c’est ma copine Léa qui se sent blessée par moi et pris de haut, peut-être pas le monde entier.
Alors pourquoi pense-t-elle que je suis arrogante ? Et a fortiori, le suis-je avec elle? C’est parce qu’en ce moment je suis super fière de moi.
Fière : Qui tire orgueil, satisfaction de quelque chose, de quelqu’un.
Tout à fait. Je tire satisfaction de moi-même et de ma réussite professionnelle actuelle. Et j’en fais part aux autres autour de moi qui me demandent comment avancent mes projets.
Bon, je ne peux m’empêcher de découvrir le mot « orgueil » dans cette définition. « Orgueil » c’est le mal quand même non ? C’est pas un des sept d’ailleurs ?
Larousse nous dit (ouais je suis restée sur le Larousse, je suis quelqu’un de fidèle, si vous pouviez dire ça à mon ex d’ailleurs en passant)
Orgueil : sentiment exagéré de sa propre valeur, estime excessive de soi-même, qui porte à se mettre au-dessus des autres.
Ouch, ça fait mal. Comment faire pour me rattraper aux yeux des autres alors ? Leur dit que jamais je n’ai voulu me mettre au-dessus (on se comprend, un autre contexte serait un autre débat), sans leur dire qu’ayant de gros problèmes relationnels avec mon papa qui m’a jamais dit qu’il était fier de moi je suis obligée de me le dire à moi même sinon je suis toute malheureuse et j’arriverai jamais à avancer dans mes projets parce que tout le monde s’en fout de ma vie et que si je paie quelqu’un 80€ de l’heure pour entendre ces conneries je vais pas m’amuser à les dire à des gens gratuitement en plus ? Pause respiration.
Tout s’est éclairé il y a peu à l’écoute de France Inter. J’étais en plein puzzle, c’était dimanche, (non c’est pas vrai c’était mardi mais si je vous dis que mon métier me permet de faire des puzzles le mardi on va encore me dire que je suis arrogante), quand Denis Faroud, du Téléphone Sonne, a déclaré:
Il était trader, il est devenu pâtissier. Elle était étudiante en droit, elle a tout plaqué pour ouvrir un bar en Argentine. Il travaillait dans l’informatique, il s’est reconverti en guide d’observation de baleines au Nord du Québec.
La difficulté de s’orienter scolairement explique-t-elle la singularité de ces parcours ? Comment éviter de se retrouver à 30 ans face aux conséquences d’un choix qu’on a pris… lorsque l’on en avait 15 ?
Selon une enquête IPSOS, 56% des actifs ont déjà changé de métier ou de secteur d’activité au cours de leur carrière. 70% des employeurs ont déjà reçu des candidats en reconversion et 62% en ont déjà recruté. Si ce phénomène s’est globalement répandu depuis les années 1980, il est bien plus fort chez les cadres, concernés dans 76% des cas, que chez les ouvriers.
Ca m’a soudain rappelé un article que j’avais écrit il y a quelques années, à une époque où mes potes ne me disaient pas « t’es arrogante », ils me disaient « t’as trop de la chance d’avoir choisi de tout quitter pour faire écrivain » moi : « pour faire serveuse pour l’instant », eux : « ouais mais tu fais ce que t’aimes au moins », grosse passion frites en effet je l’avoue. Bref, ce qui a changé entre le « t’as trop de la chance » et « t’es arrogante », c’est que je ne suis plus serveuse. J’ai réussi. Alors voilà, c’est là que c’est blessant. C’est que comme le disait très justement notre ami Denis sur France Inter, aujourd’hui ce ne sont plus tellement ceux qui quittent le système scolaire tôt qui n’ont pas leur mot à dire sur leur avenir, non, c’est plutôt les bons voire très bons élèves, qui préparent des métiers sans les avoir jamais choisis.
Alors oui, huez-moi, huez-les « on rêve, l’élite se plaint de gagner 3000€ par mois blablabla », ben non, on ne rêve pas, parce que le fric ne fait pas le bonheur, et qu’on peut très bien gagner sa vie et être très triste et malheureux, et ça c’est nul. Et donc moi je suis nulle d’aller afficher mon bonheur sans vérifier qui j’ai en face de moi (un artiste accompli ou une copine qui a des doutes sur ses choix de carrière?). Got it Léa.