Le monde va mal, certes. Mais s’il y a une profession bien trop décriée alors que complètement irresponsable dans tous les sens du terme, ce sont les marketeurs/communicants/publicitaires et autres dresseurs d’otaries professionnels. Ras le bol de Naomi Klein et tous les autres « brand haters ». Pour leur rendre justice, Girlshood essaiera ici d’honorer leur talent aussi souvent que faire se peut.
Vous ne le savez peut-être pas parce que 1) vous avez une vie 2) vous avez une vie 3) vous avez une vie, mais un peu plus tôt dans la semaine, le monde merveilleux du fandom Marvel s’est vu traversé par une petite tornade (en plus du backlash provoqué par la nouvelle obédience politique douteuse de Captain America). En effet, fier comme Artaban chevauchant le Piaf bleu à 140 caractères, le hashtag #GiveCaptainAmericaABoyfriend est venu se glisser parmi les topiques trendy de mardi. Si vous écumez un peu Tumblr, vous savez que les sous-textes homo-érotiques des avatars pop-culture sont régulièrement relevés par une communauté de millenials à l’esprit forcément très mal tourné. Prise en compte de l’air du temps ou drague marketing, il n’est plus rare que même les acteurs en promo se mettent à jouer la carte homofriendly latente (en témoigne crackvids, interviews tendancieuses et regards aguicheurs sur tapis rouge).
Plutôt prompte à se positionner sur la mise en lumière des minorités, Marvel Comics n’a attendu personne pour présenter des héros homosexuels (Angela, Serah, Hulkling, Wiccan, Miss America…); même la filière film – parasitée par tonton Disney et ses positions rétrogrades – commence à lorgner du côté de la fluidité sexuelle, notamment via le biais du pansexuel Deadpool – que nous n’avons néanmoins jamais vu avec un homme (même si Ryan Reynolds a explicitement manifesté son envie de voire le plus taré des héros costumés s’enjouailler avec un mec dans le n°2, n’en déplaise à une armada de « fans » beuglant au scandale et à la dénaturation d’un comics qu’ils n’ont clairement pas lu). Captain America, quant à lui, titille depuis belle lurette la corde de la bromance sexy; il n’empêche que personne n’attendait un hashtag comme #GiveCaptainAmericaABoyfriend, diable en boîte se répandant comme une traînée de poudre. « Semaine du geek » oblige, nous ne pouvions passer à côté; nous ne sommes pas les seuls.
« Le Gestionnaire de communauté ou CM, l’abrégé de community manager, est un métier qui consiste à animer et à fédérer des communautés sur Internet pour le compte d’une société, d’une marque, d’une célébrité ou d’une institution. Le cœur de la profession réside dans l’interaction et l’échange avec les internautes (animation, modération) ; mais le gestionnaire de communauté peut occuper des activités diverses selon les contextes« . Ce que Wikipedia ne nous dit pas, c’est que le Community Manager est un petit être émotionnellement instable, à contrôler de très près, mentalement éreinté qu’il est de devoir se fondre dans la peau d’une personne morale ou privée. Nous ne pouvons lui en vouloir : écrivez, créez et vivez toute la sainte journée en vous faisant passer pour un autre, dépersonnalisé derrière une entreprise, et nous verrons bien combien de temps s’écoulera avant que vous ne rampiez grossir les rangs de la #teamSaintAnne. Pour le salut de son âme schizophrène, le CM a tendance à sauter sur la moindre occasion de laisser s’exprimer son naturel (c’est la raison pour laquelle les journées à thème Twitter ont été inventées, afin que les pauvres bougres puissent se réconcilier avec eux-mêmes sans risquer la menace de Pole Emploi). Alors parfois, certes, il peut partir très loin. Après tout, il s’est armé d’un mail fleuve dont le postulat se résumerait à « il y a un hashtag trending de folie, si nous surfons dessus nous allons gagner en notoriété/followers bla-bla-bla » soutenu d’un powerpoint de 28 slides qui aura fini par emporter l’approbation agacée et ahurie de son boss. Tant pis pour lui. Revenons à nos licornes.
C’est au plus fort de l’effusion du hashtag que le CM de la BBC s’est finalement lancé dans la bataille. Cela aurait pu s’arrêter à un post mignon et référencé contentant à la fois le « manager de communautés » (« j’ai réussi à placer mon obsession malsaine pour Captain America et les fanfictions ») et son patron (« le petit jeune m’a dit qu’il y avait eu « plein d’interactions ». Je pine rien mais ça a l’air cool, les indicateurs KPI sont heureux »). C’était sans compter l’entrée dans l’arène de Sky Movies. S’en suivit une Civil War entre les deux médias, à la cool, comme si les CM avaient pour un moment oublié 1) qu’ils travaillaient pour deux des plus grosses chaînes anglo-saxonnes 2) que les Internets – et particulièrement Twitter – n’étaient pas un espace désert. Cela s’incarne dans une joute de Tweets de toute beauté, le fangirling à son top: « canon« , « shipping« , OTP« … Tout y passe. On vous laisse apprécier, d’autant plus quand on sait que beaucoup des tweets associés à #GiveCaptainAmericaABoyfriend sont en réalité des démonstrations d’homophobie crasses. Un peu de tendresse arc-en-ciel dans ce monde de brutes.
1)
We saw that #GiveCaptainAmericaABoyfriend was trending on Twitter and thought… doesn’t he already have one?https://t.co/ZxxrGXl4Os
— BBC Three (@bbcthree) May 24, 2016
2)
😲 You're going with #Stucky!? Come on beeb you know it's all about #Stony 😏😍😍 pic.twitter.com/eKSlshRdQQ
— Sky Cinema (@SkyCinemaUK) May 24, 2016
3)
@skymovies Get out of here with that Stony trash! Stucky forever! pic.twitter.com/nKaoLKxBgA
— BBC Three (@bbcthree) May 24, 2016
4)
not true! they're like wayyyy more than that 😏
this is us right now… #Stony forever #Stucky never 😘 pic.twitter.com/1v5us2JZMv
— Sky Cinema (@SkyCinemaUK) May 24, 2016
5)
That gif is the moment Steve stopped a helicopter with his bare hands because BUCKY was running away from him. Try again! 💅
— BBC Three (@bbcthree) May 24, 2016
Conclusion 1: on adore.
Conclusion 2, histoire de couper court à la dispute:
(Nous aussi Sam, nous aussi)
Image de Une: Pinterest