Cher·es ex,
En vérité, si j’avais su ce que, des années après, vos souvenirs me feraient subir, probablement ne nous serions-nous pas quitté·es. Si j’avais su quels stigmates, quelles cicatrices, quel gâchis vous laisseriez, quel ramassis de débris et ordures vous ne ramasseriez après votre passage, je nous aurais laissés ensemble, moisissant certes, mais tranquilles.
Vous ne me laissez pas tranquille, vous revenez toujours me hanter comme les scouiquements des souris dans les vieilles maisons, on croit toujours que ce sont des fantômes alors qu’on sait qu’un bon coup de mort-aux-rats transformerait toutes les maisons hantées. C’est ça qui bouillonne à l’intérieur de moi, les bruits insignifiants que vous faites, qui résonnent comme autant de terrifiants rires de sorcière la nuit quand j’y prête attention. Vous ne signifiez rien, que des bruits que j’imagine, mais vous entendre fait résonner ma peur terrible en écho. Si on y réfléchit bien, c’est moi qui vous transforme en menace, qui entends dans ces souvenirs passés autant de mises en garde.
Je vous garde en moi, petits miroirs déformants de la réalité, et vous me faites voir les microscopiques points noirs sur mon nez comme des immondes verrues infectées qu’il est grand temps d’éliminer. J’aimerais vous accuser mais c’est moi que je blâme, je me blâme de vous garder au creux de moi, autant de reliques, d’icônes à brandir, de doudous à chaque sursaut la nuit, voir en vous des bourreaux délicieux c’est confortable, vous me dorlotez. Tout ce que je garde de vous sert d’excuses à mes cuisants échecs du passé, c’est ça le problème.
Je vous brandis à chaque remise en question comme réponse à la détresse d’échouer encore. Vous avez été tortures, maintenant vous êtes armures. C’est pas ma faute si tout foire, c’est à cause de vous et de tout ce que vous avez laissé de purulent en moi, et tant pis si j’ai pas pris la peine de vous faire cicatriser. J’ai soigné aucune des plaies béantes que vous avez écorchées. Ça demandait trop de soins, j’avais pas le temps, pas le budget.
À présent je vous sens tirer à chaque mouvement d’amour que je fais, je vous sens grimacer, vos sourires s’esquissent narquois et crâneurs, et plus ils s’étirent plus ça brûle en moi toutes ces fois où vous aviez raison. Vous vous rappelez à moi et moi je me faufile, pour que jamais on ne m’accuse.
Tout ça, c’est de votre faute. Par pitié, dites-moi que tout est de votre faute. Et surtout, que ce n’est pas la mienne.
Coupablement vôtre,
B.