Comme près de 10% des femmes, Bruna souffre d’endométriose. Des rendez-vous à répétitions chez des dizaines de médecins ça vous retourne le coeur et le cerveau, il est temps de faire le point.
Chère sonde vaginale,
Laisse-moi t’appeler Soso, je trouve ça moins crispant que « sonde vaginale ». On dirait des ongles sur un tableau. Crispante, toi, tu l’es, en revanche. Au moins autant que la voix de la radiologue qui mâchonne mécaniquement, « Détendez-vous, respirez ». C’est à ce moment-là que je comprends la relation unique qui nous lie, toi et moi. Je suis là, pieds en l’air sur des étriers froids, cul à découvert et chaussettes fièrement dressées sur mes mollets pas épilés, mes poils de foufoune tentant vainement de dissimuler ce qu’il me reste de dignité. Et tu arrives, dressée, tendue, imposante. Vaillante soldate aux courbes lubrifiées, prête à déflorer une terre inconnue. Tu sais Soso j’aurais pu écrire ces mots en pensant à quelque chose de bien plus agréable. Pourtant c’est avec une grimace que je t’accueille.
Mes poils de foufoune tentant vainement de dissimuler ce qu’il me reste de dignité
Enfin, que je t’accueille… C’est vite dit. Ta taille m’impressionne et pourtant, je n’en suis pas à mon coup d’essai. Pour me mettre à l’aise, ta patronne pousse un soupir agacé, tout en labourant à grands coups de poignet pour te faire pénétrer. Sur mon genou, pour que j’écarte un peu plus les cuisses, elle pose sa main gelée. Gelée comme le liquide dont elle t’a enduite, « pour faciliter l’intrusion », gelée comme les étriers et le métal qui me scie la plante des pieds, gelée comme le regard qu’on ne pose pas sur moi pour me dire « ça va aller, après on ira prendre un goûter ».
Soso à présent tu me connais bien mieux que je ne pourrais. Tu as l’air de savoir où tu vas et sur l’écran je te vois te frayer un chemin, aucune hésitation, une vraie chef, je pourrais presque être fière de toi si tu ne me faisais pas aussi peur. Et aussi mal. J’hésite entre l’envie de vomir ou de coller une baffe à la radiologue qui fourrage comme ma grand-mère aux prises avec une dinde de Noël. D’une voix aussi blanche que sa blouse elle récite son poème débité mille fois ; « Attention, je vous embête un peu, ça va tirer ». Soso, laisse-moi t’expliquer quelque chose. Quand je suis avec ma nièce et qu’elle m’attrape les cheveux, ça m’embête un peu et ça me tire. De toute évidence ta patronne n’a jamais eu de nièce. J’avais déjà l’impression qu’un trapéziste était en train de s’échauffer sur mes trompes, mais là je dois aussi faire avec deux sumos qui feraient du trampoline sur chacun de mes ovaires. Je vais peut-être vomir finalement.
Tu dois en avoir assez de farfouiller tous ces corps malades, le mien et ceux de mes copines d’endométriose
Je te passe la suite qui restera entre toi et moi, le secret médical et les limites de la décence m’interdisant d’en révéler les plus croustillants détails, sache seulement que de tous les retraits que j’ai connus c’est le tien qui me soulage le plus. Mais comme tous les retraits que j’ai connus, ça se finit dans le sang. Mon visage rougit autant que le drap d’examen. Dernier soupir de ta patronne qui m’assassine ; « Ben tiens, pourquoi pas… C’est ce qui manquait à ma journée ».
Soso, le nombre de foufounes que tu as pénétrées ferait pâlir d’envie mon ex. Mais je pense que tu dois en avoir assez de farfouiller tous ces corps malades, le mien et ceux de mes copines d’endométriose. Alors voilà je voulais te dire Soso, surtout ne le prends pas mal. Parfois j’aimerais te changer en sonde rectale. Juste pour que les blouses blanches comprennent ce qui, réellement, ne manquait pas à leur journée.
Vaginalement tienne,
B.