Article paru originellement le 13/12/2017
Cher Père Noël,
J’ai parfois avec toi la sensation d’une correspondance à sens unique. 23 lettres restées sans réponse. Ça me rappelle une ex. Bref.
Je retente donc ma chance, espérant de toi un signe, un clin d’œil, n’importe quoi qui me fasse comprendre que tu reçois mes missives et que tu veux y répondre. Cher Père Noël, on nous ment à ton sujet. Après la négation du clitoris, tu es le plus grand mensonge de l’humanité. Que tu n’existes pas n’est pas un problème. Tu sais, moi-même parfois je doute de mon existence. Même un Père Noël peut être en proie au doute existentialiste.
Non, ce qui me révolte, c’est qu’on nous fasse croire que tu réponds toujours positivement aux demandes. J’attends toujours le poney de mes neuf ans, le prince charmant demandé à mes quatorze ans, et le permis de conduire au pied du sapin à mes vingt ans (j’ai dû me débrouiller toute seule, merci). Moi qui t’ai toujours laissé en offrandes des mandarines et un verre de lait, en demande-je trop ?
Cher Père Noël, je pourrais pour cette année te demander la paix dans le monde, la fin de la famine et du sida, la prescription médicale obligatoire de chocolat pour certains politiques énervés, n’en déplaise à Kim Jong-un. Alors oui, la libération de la Corée du Nord en 2018 serait sympa, mais tu sais, j’ai toujours été égoïste, et je doute de son impact réel sur ma vie. Pour Noël, j’aimerais donc réussir à accepter mon ventre gonflé en fin de journée. J’aimerais savoir où est ma place dans le monde et pouvoir y stationner. Il me faudrait une bonne dose de courage pour envoyer balader mon psy, une autre pour oser fumer devant mes parents ou roter en public. J’aimerais écrire davantage et soupirer moins souvent, rendre plus souvent visite à ma grand-mère, et si tu peux glisser aussi une place pour le concert de Orelsan, franchement, c’est cool. J’aimerais pouvoir me protéger moi-même quand je me déhanche en boite de nuit, plutôt que tirer la main de mon pote pour qu’il se fasse passer pour mon grand frère, et d’ailleurs, j’aimerais ne pas avoir à me protéger du tout. J’aimerais assumer mon rire trop bruyant, mes sautes d’humeur, pouvoir éteindre mon téléphone de temps en temps sans culpabiliser de ne pas être là. J’aimerais m’accorder plus de temps, pas faire semblant. Rêver. Réaliser.
En somme rien d’insurmontable pour toi, même si je doute que demander l’assurance et la confiance à une personne qui ne se montre jamais en public soit l’idée la plus brillante sur le chemin de l’accomplissement.
Cher Père Noël, peut-être que tu n’accomplis pas grand chose. Peut-être que tous ces cadeaux sont à l’intérieur de moi. Alors montre-moi, guidé par un renne au nez rouge si tu veux, le chemin jusque là. Je promets de m’y rendre, avec ou sans traineau.
Lutinement tienne,
B.
P.S. : sinon, j’ai vu une super montre dans cette petite boutique à Toulouse, je dis ça…