J’avais fantasmé sur Luis dix mois durant. Du 22 août 2011 au 22 juin 2012 exactement. Le temps de mon stage dans sa boîte. Je l’avoue, j’ai toujours fantasmé sur mes profs, mes chefs, mes maîtres de stage. Mais je suis loin d’être la seule, je le sais. Tout a commencé avec mon prof de français remplaçant quand j’étais en quatrième, à qui j’écrivis une lettre d’amour en fin d’année, que je déposai délicatement dans son casier (pas de réponse). Mon prof de sport en seconde, le seul pour qui j’ai daigné courir un jour. J’avais toujours réussi à me faire dispenser pour asthme de l’effort jusque-là… Mon prof de philo en terminale, pour qui je brûlais d’amour une année scolaire entière, qui me serra dans ses bras en m’embrassant chastement sur la joue quand je lui annonçai mon 20/20 au bac en sautant de joie. C’était à la fin du mois de juin, je l’avais attendu près de sa voiture sur le parking désert du lycée. On s’était revus à mon entrée en hypokhâgne, je l’avais sucé avec ardeur dans sa voiture avant de m’asseoir sur lui, le bas du dos tapant contre le volant. Il m’avait emmenée déjeuner pour discuter de mon été et des « lectures qui me posaient question ». Je rêvais surtout de le revoir maintenant que j’avais officiellement dix-huit ans et que je n’étais plus son élève… Une romance qui avait duré quelques mois, mais l’hiver fut froid et il arrêta de m’appeler. Je crois que son ex-femme l’avait recontacté ou quelque chose du genre. J’essuyai une larme. J’adorais nos après-midi sexe et cigarette. Je le rejoignais le mercredi en général, après mes khôlles. Il ne cessait de me répéter à quel point mes jambes étaient magnifiques en y déposant des baisers délicieux qui remontaient jusqu’à ma chatte en feu. Après lui, ce fut au tour de mon prof de boxe. Je m’étais mise à la boxe en khâgne. Trop de stress à évacuer. Tous les jeudis soir j’allais donc à la boxe. 10 mecs, et moi. Tous plus mignons les uns que les autres mais bien sûr le seul qui m’intéressait vraiment c’était le prof. Toujours le prof. Avec lui c’est allé assez vite. La testostérone ambiante, la sueur, mes joues rouges, ma poitrine serrée dans une brassière ajustée, mes leggings moulants… J’avais toujours les mêmes longues jambes qui plaisaient tant à mon prof de philo. Greg me prit contre un mur un soir de printemps après l’entraînement. Je lui lançais des regards de braise depuis mon deuxième cours, essuyais la sueur sur mon front avec autant de sensualité que les femmes qui essuient les pare-brises de voitures dans des clips de mauvais goût. Bref, je l’allumais grave. À ce moment-là je sortais avec un mec adorable de la classe de prépa éco dans le même bâtiment que nous, et au lit je me faisais un peu chier. Il me manquait le côté sauvage, bestial que j’apprécie de temps en temps. Là aussi, je sais que je ne suis pas la seule à aimer du sexe brutal derrière la porte des chiottes une fois dans l’année. Le soutien-gorge à moitié dégrafé, le jean sur les chevilles, la joue écrasée contre le mur, bref, vous voyez. J’allumai Greg depuis des semaines donc, quand il finit par craquer et me plaqua contre le mur des vestiaires en m’embrassant ardemment. Je sortais de la douche, ma serviette tomba à mes pieds. Ses bras magnifiquement musclés me soulevèrent sans problème, le pantalon sur les chevilles il me baisa sans un mot, ni gentiment, ni violemment, avec la parfaite puissance. Son sexe venait profondément en moi, m’emplissait complètement, si bien que parfois j’en avais le souffle coupé, mais il resta homme, loin d’être bestial. Son mouvement était régulier, puissant, c’est le mot. Je sentais qu’il ne voulait pas me faire mal, son sexe était imposant, il faut le reconnaître. Ses mains tenaient fermement mes fesses, mon front était collé au sien, nous avions tous les deux les yeux fermés, nous savourions le moment tant attendu. Il me reposa au sol au moment de jouir. Nous savions tous les deux que c’était l’affaire d’une fois, que je ne reviendrai pas à la boxe, il fallait donc faire durer le plaisir. Il me conduisit sous la douche, me retourna, et me poussa contre le mur. Mes seins s’écrasèrent contre le carrelage, il attira mes fesses à lui, je me cambrai, il s’introduisit en moi avec tout autant de délicatesse que la première fois. L’eau ruisselait le long de ma colonne vertébrale. Sur un rythme un peu plus rapide il reprit son va-et-vient, ses doigts se glissèrent jusqu’à mon clitoris. Je jouis à son signal. Après la prépa, il y eut mon prof de marketing digital en première année d’école de commerce. « Digital », c’était déjà tout un programme. Mais malgré mes tentatives de le coincer à des heures tardives dans son bureau de recherche, Monsieur Briand resta professionnel, même pas une caresse sur ma joue. Et puis vint Luis. Que j’ai revu aujourd’hui. Ça faisait donc 4 ans qu’on ne s’était pas vus. On avait rendez-vous dans un café dans le Marais. J’avais vu sur Facebook qu’il venait à Paris, je l’avais contacté. Parfois les idées nous traversent l’esprit, on ne sait pas trop pourquoi. On a bu un café, il m’a dit deux mots de sa séparation, de la nouvelle boîte qu’il venait de monter et de sa chambre d’hôtel tout près. Une séparation en bon terme, un projet ambitieux et une chambre parfaite pour deux. Quel merveilleux sentiment de complétude quand il me pénétra sur le lit pas encore défait. J’avais fantasmé sur lui 10 mois durant. Il avait enflammé tous mes rêves. J’avais jouit mille fois sous mes doigts en pensant aux siens. Mon maître de stage que j’adorais et qui tenait tant à rester professionnel avec moi, respecter les limites. J’avais vieilli, lui aussi, et je constatai qu’il avait tout autant fantasmé sur moi à l’époque. Plaisir ainsi partagé.
Illustration : Flickr – Licence CC – Luca Rossato