Niklas

J’ai toujours fantasmé sur lui. Depuis mon entretien d’embauche en fait. C’était un chaud mois de mai à Berlin. Je venais d’arriver de Paris que je ne supportais plus, que je n’avais jamais supportée finalement. Berlin, ses grands arbres, son canal, la ville qui change franchement vos pauses déjeuner.

J’avais eu mon entretien d’embauche avec toute l’équipe dirigeante, c’était une petite start-up à l’époque. Il y avait N., la RH, T., aux finances, V., le CEO, et lui, Niklas, mon futur chef direct, le responsable de l’équipe France. Né de mère française mais ayant toujours vécu en Allemagne. Un accent à tomber raide, une barbe de trois jours, chemise blanche et fine cravate noire de travers, yeux bleu lagon. Niklas.

En tant que futur manager, c’est lui qui m’avait posé le plus de questions. J’évitais de le regarder dans les yeux –j’évite toujours aujourd’hui– tant j’avais peur de me mettre à bégayer, trembler, rire ou pleurer. Il m’impressionnait –m’impressionne toujours–, si bien que j’avais failli perdre totalement mes moyens. Mais j’avais appuyé mes paumes sur la table en verre, décroisé mes jambes, talons plantés dans le sol, m’était redressée davantage, et j’avais décroché le poste.

Ça fait deux ans maintenant que je travaille pour lui. Enfin pour la boîte, mais surtout pour lui. Je prends mes ordres directement de ses lèvres. Ses lèvres… Combien de fois en deux ans ne les ai-je pas dévorées de l’autre côté de mon gobelet de café, quand il les trempait dans le sien. Mousse de lait restée figée sur sa barbe de trois jours, et moi qui serrait mes cuisses pour retenir un frisson. Niklas, pas de copine à l’horizon, mais une réputation de tombeur évidemment. J’étais bien consciente de ne pas être la seule à avoir succombé à son charme. Preuve en était la concurrence quotidienne de rouge à lèvres, décolletés, collants noirs dorés autour de moi. Alors je tentais de prendre le contrepied justement, bottines noires, jean troué, col danseuse, cheveux relevés, à peine maquillée. Et mes grandes lunettes d’intello en écailles. Parfum Calvin Klein.

Il était dix-huit heures quand il se planta derrière mon écran d’ordinateur. Je venais de regarder l’heure à vrai dire, impatiente de rejoindre ma copine L. au cinéma d’en-bas. Je venais de poser mes lunettes sur le bureau, je venais de poser ma main sur la souris pour fermer le fichier Excel que j’avais passé mon après-midi à remplir. Je venais de me faire à l’idée de partir quand il se planta derrière mon écran d’ordinateur. Je n’ai même pas relevé les yeux. J’ai senti la déflagration autour de nous. Les ondes de choc se répercutant dans tous les murs quand il posa sa main sur mon bureau, les explosions des écrans d’ordinateur quand il se pencha vers moi, sa cravate au-dessus de mon tableau Excel, mes collègues tombant simultanément de leur chaise quand il prononça mon prénom. Je levais lentement mon visage vers lui quand du bout des lèvres il murmura :

-Tu peux venir dans mon bureau s’il te plaît ?

Il était dix-huit heures cinq quand je refermai la porte de son bureau. Niklas, comme le reste de l’équipe dirigeante, avait un bureau privé dans le couloir qui séparait la porte d’entrée de l’open-space. Ce n’était pas la première fois que je venais dans ce bureau. En fait en l’espace de deux ans, j’étais devenue la personne la plus proche de lui dans l’équipe. Ensemble nous avions étoffé l’équipe France, mon contrat de stagiaire s’était transformé en CDI, ma paye avait doublé, et j’assistais à presque toutes les réunions de la boîte, mon avis étant largement écouté.

J’avais même pu être assez proche de Niklas à des événements team-building. J’avais failli m’évanouir par exemple, ce jour où il m’avait attaquée à coups de chocolat fondu lors d’un cours de cuisine dans le cadre des fêtes de Noël l’année dernière. Il avait essuyé le chocolat sur ma joue du bout des doigts avant de les lécher un par un en me souriant. Mais jamais je n’avais senti cette onde spécifique, cette attraction terrible que l’on redoute en l’adorant, ce moment où l’on sait, où notre corps sait, ce qui va se passer.

Je m’installai sur le fauteuil en face de son bureau.

-Viens à côté de moi plutôt comme ça on regarde ensemble mon écran.

Je fis glisser le fauteuil jusqu’à sa droite, m’appuyais sur l’accoudoir de gauche pour mieux voir. Nous n’étions plus qu’à quelques centimètres.

-Je voulais faire le tour avec toi des cinq candidatures que tu as sélectionnées pour un entretien la semaine prochaine.

Rien d’extraordinaire encore une fois, mais cette sensation était là, au fond de mes entrailles, cette gêne dans mon bas-ventre, ce noyau de chaleur qui commençait à s’installer en moi. Il ouvrit un premier fichier, puis un deuxième, je prenais des notes sur mes genoux. Quand il ouvrit le troisième fichier il s’appuya à son tour sur son accoudoir, si bien que sa joue frôla mes cheveux ce soir-là détachés. Je frémis mais demeurai immobile. Au fond bien sûr que je voulais bouger, éloigner toute perspective désastreuse, mais j’étais bien trop curieuse, bien trop imprudente, la situation bien trop excitante pour laisser passer l’instant. Quand il ouvrit le cinquième et dernier fichier, je remarquais qu’on tournait en boucle, ni lui, ni moi, ne racontions quelque chose d’intéressant. J’avais arrêté de prendre des notes, mon crayon pointait dangereusement vers le sol.

Alors son visage pivota, et je sentis ses lèvres à quelques millimètres de ma peau. Je sentis sa respiration, il inspirait mon parfum.

-Euphoria… Euphoria toujours n’est-ce pas ?

Je fermais les yeux, submergée par la puissance du désir qui monta alors en moi. Oui, Euphoria toujours.

-À ton entretien tu le portais aussi. Tu portais cette chemise aussi. Juste ce qu’il faut de transparent.

J’ouvrais les yeux, il avait raison, ma chemise blanche aux boutons nacrés, juste ce qu’il faut de transparent.

J’abaissais mon menton vers ma poitrine, sa bouche remonta vers mon oreille, sa langue s’y introduit. Mes doigts serrèrent violemment l’accoudoir, mes cuisses se pressèrent l’une contre l’autre, je n’osais plus bouger. Sa main se posa sur ma joue, sa bouche quitta mon oreille, effleura ma paumette, embrassa mon nez, puis ses lèvres se posèrent sur les miennes, sa langue s’y fraya doucement un chemin. Je lui rendis son baiser. Après quelques secondes il glissa un doigt contre mes lèvres avides.

-Va fermer la porte.

Et la machine était lancée, je ne pouvais penser à nouveau, mon corps obéissant à mon manager, mon chef tant désiré. Combien de fois avais-je rêvé quelque chose de semblable, combien de fois l’avais-je imaginé dans ma douche, dans mes draps, dans le métro même parfois. Le moment était là, bien réel, même si je l’avais voulu je n’aurais pu y échapper. Je quittai le fauteuil de cuir, fit le tour du bureau et allai verrouiller la porte. J’appuyai le front contre le bois dur, prit une respiration et me retourna pour le rejoindre.

-Stop.

Surprise, je levai la tête, passa une main dans mes cheveux. J’osai le regarder dans les yeux. Prise de contrôle. Totale. Ses yeux bleus hypnotiques.

-Déboutonne ta chemise.

Je manquais défaillir. Encore. Mais j’acquiesçai sans quitter un instant ses yeux bleus. J’enlevai le premier bouton, le deuxième, révélant mon soutien-gorge chair transparent. Le troisième, le quatrième, le cinquième, le sixième, puis mes bras se repositionnèrent le long de mon corps. Je sentis son regard se déplacer de ma gorge à mon tatouage sur l’aine qui dépassait de mon pantalon à pince.

-Enlève-moi ce pantalon, ça m’a l’air intéressant ce qui s’y cache.

Je déboutonnai mon pantalon toujours sans le quitter des yeux, révélant les courbes de cette fine tige fleurie que je m’étais encrée dans la peau bien des années plus tôt.

-Maintenant touche-toi.

Sur ces mots il se renversa dans son fauteuil, croisa les mains sur son ventre et me fixa.

Je n’hésitai pas. Hypnotisée. Soumise. Mes mains se posèrent sur mes hanches, caressèrent mon ventre, remontèrent vers mes seins. Je les pressai l’un contre l’autre, je passai un doigt sous mon soutien-gorge, griffai mon téton. J’insérai un doigt dans ma bouche, le léchai, le suçai avant de le plonger dans mon soutien-gorge titiller encore un peu plus mon téton. Je ne lâchai pas Niklas des yeux, même de loin je voyais la flamme dans ses iris bleus, bien plus sombres désormais. Sa bouche s’était entrouverte, il respirait plus vite, plus fort. Je respirais plus vite, plus fort. Une main toujours sur mes seins, l’autre descendant vers ma culotte, y plongeant. Il ferma un instant les yeux. Si chaud, si moite entre mes cuisses, je n’osai caresser trop mon clitoris, je voulais ses doigts à lui, les miens ne m’intéressaient pas. Alors je remis un doigt dans ma bouche et le fis redescendre vers mon vagin humide, j’imaginais son sexe en souhaitant fort que cela fasse partie de la suite. Je me masturbais sous ses yeux encore plusieurs minutes, mordant ma lèvre, secouant mes cheveux, mi-simulante, mi-vraie, je m’étais prise au jeu. Soudain la chaise roula sur le sol. Il se leva, contourna son bureau et s’assit à demi sur le bois sombre.

-Viens.

J’avançai vers lui.

-À genoux.

Je m’agenouillai. Je m’attendais à ce qu’il continue, mais au lieu de cela il sembla savourer l’instant. Jamais je n’aurais pensé faire ça, jamais je n’aurais pensé en arriver là, le soir dans mon lit, j’imaginais un dîner aux chandelles, un concert, un ciné, mais franchement pas ça. Pourtant je ne me relevai pas, impossible, j’étais là, à genoux, et quelque part j’adorais ça. Parce que Niklas n’était pas du genre à inviter au cinéma. Niklas était du genre à profiter de sa position, et à baiser son assistante dans son bureau.

Il passa une main dans mes cheveux et les tira vers l’arrière, mon visage bascula vers lui. Il me fixa quelques instants avant de m’indiquer sa braguette du regard. Je déboutonnai son jean, descendait la fermeture éclair, passai ma main sur la bosse que formait son sexe sous son boxer. Calvin Klein. Lui aussi donc.

J’embrassai le tissu, de haut en bas, j’embrassai son sexe avant de soulever délicatement le boxer par l’élastique afin de toucher enfin sa peau nue du bout des lèvres. Quand je l’entendis gémir j’enlevais pour de bon l’ensemble, il n’esquissa pas de mouvement si bien que boxer et jean restèrent figés sur ses chevilles.

Ma langue se posa sur le bas de son sexe et remonta en longeant la veine qui palpitait, jusqu’à en lécher le bout. Je léchai, j’embrassai, et brusquement je le pris dans ma bouche. Il posa à nouveau sa main sur ma tête et s’agrippa à mes cheveux. Je montais et descendais pendant quelques instants, ma langue toujours aimante, puis je posai ma main pour accompagner mon va-et-vient. Cela dura plusieurs minutes, dix peut-être je ne sais pas très bien, mais je savourais son sexe entre mes lèvres, sous ma langue, j’aimais ça oui j’aimais ça. Sa main dans mes cheveux, pressant parfois contre mon crâne pour insuffler le rythme. Quelque chose que je détestais d’habitude, mais avec lui j’aimais ça. C’était mon chef, j’obéissais.

-Est-ce que tu veux que je te fasse l’amour dis-moi.

La question me prit de court. Je repris son sexe dans ma main, le masturbais en relevant ma tête vers lui, incrédule.

-Je ne veux pas t’obliger à faire quelque chose dont tu n’as pas envie, même si je pense que jusque-là tu en as eu très envie. Soit on arrête là. Soit tu continues comme ça et dans dix secondes je jouis dans ta bouche. Soit tu te relèves, maintenant, et je te fais l’amour. Dis-moi.

Ses mots excitèrent chaque pore de ma peau un peu plus. Jouir dans ma bouche, me faire l’amour. Je voulais tout. Je ne savais rien. Alors mon corps décida pour moi. Je repris son sexe entre mes lèvres, l’embrassai, le léchai, et au premier gémissement je me relevai soudain. Il me regarda, incrédule, puis sourit. Il enleva ma culotte, se dégagea de son jean, m’assit sur son bureau.

-Prête, douce Euphoria ?

J’acquiesçai de la tête. Il poussa le clavier derrière moi, m’allongea, passa ses mains dans le pli de mes genoux et m’attira vers lui. Son sexe dur se tint un moment entre mes cuisses. Il joua un moment avec lui, du bout de son pénis il caressait mon clitoris jusqu’à ce que je sois folle de désir, que mes yeux s’ouvrent et se ferment sans contrôle, que mon vagin ne soit plus humide mais mouillé, trempé de désir, alors à ce moment-là, son sexe se plia pour de bon et s’introduit en moi, sans difficulté, accueilli. Il ne me regardait plus, son visage était tourné vers le plafond, les yeux fermés, je lisais avec délice les marques du plaisir dans les mouvements de ses lèvres. Il tendit mes jambes pour les plaquer contre son torse, embrassa mes chevilles tour à tour sans cesser ses va-et-vient. Son sexe s’était fait douce chaleur, je voyais mille couleurs. J’ouvris les yeux au moment où il glissa le pouce de sa main droite dans sa bouche, je vis sa langue en faire le tour, puis il le posa droit sur mon clitoris, le malaxant fortement tandis qu’il accélérait le mouvement, me pilonnant pour de bon, ses coups de hanches faisant trembler le bureau et donc mon corps tout entier, mes seins, ma tête, je m’abandonnai totalement. Nous jouîmes au même moment. Il plaqua brusquement sa main sur mes lèvres, j’ouvris soudain les yeux, me retrouvai plongée dans les siens. Je mordais dans son index pour ne pas crier, mes yeux dans son regard bleu lagon, hypnotique.