Nous vous l’avions déjà mentionné via un article sur Naruto : le manga mainstream n’est pas un modèle de représentation féminine. En effet, quand elles ne sont pas inexistantes, les femmes se révèlent être bien souvent un tel amas de clichés hystériques que l’on en vient à préférer quand elles ne sont pas là. Mais ce n’est pas parce que certains premiers de la classe font figure de mauvais élèves que le bébé doit être jeté avec l’eau du bain, bien au contraire. Histoire d’équilibrer la balance et peut-être de vous donner des idées d’œuvres à binger, nous avons dressé la liste de nos 10 héroïnes favorites. Attention : cette énumération étant totalement subjective, vous n’y trouverez pas certaines des principales figures de la femelles manga.
Ymir (L’Attaque des Titans) :
Quitte à engager le sujet par le problématique L’Attaque des Titans, la logique aurait voulu que nous le fassions avec la terrible Mikasa. La demoiselle est indéniablement parée pour gagner notre petit kokoro : redoutable, maligne, mesurée, cynique et bizarre. Mais Mikasa est aussi un avatar de la Yandere, modèle pathologique récurrent dans les personnages féminins japonais présentant une jeune femme amoureuse jusqu’à l’obsession compulsive. C’est le cas de miss Ackerman qui n’existe que par, pour et avec Eren, le pénible héros de la série.
Comme nous avons assez de nous-mêmes en terme d’instabilité mentale, nous passerons donc sur notre amie à problèmes pour nous tourner vers la géniale Ymir, L‘Attaque des Titans n’étant jamais aussi bon que lorsque ses personnages secondaires prennent la main sur sa trame (Erwin, Livai, Historia, Annie, Armin…). Son attitude je m’en foutiste cache mal une force de caractère impressionnante, qui elle même cache mal une histoire personnelle pavée d’épreuves. Ymir navigue entre les réalités de sa nature, ses désirs et une certaine volonté de non compromission faisant d’elle une femme plus difficile à lire qu’il n’y parait. C’est aussi par elle que la diversité s’immisce dans un manga où la norme prévaut : son amour pour la princesse Historia la pousse à agir contre ses intérêts primaires, quitte à envisager le sacrifice.
Casca (Berserk) :
Casca est à notre sens une figure centrale dans le club happy few des personnages féminins, puisqu’elle sape à elle seule toute rhétorique de légitimation d’unité ethnique et genrée dans les mangas, et surtout dans le « fantasy ». Disons le franchement : Berserk, oeuvre indépassée de « dark fantasy » parue en 1989 et prenant place dans un contexte médiéval, n’avait aucune obligation de faire dans la diversité. Et pourtant, Kentaro Miura a pris pour héroïne et pierre angulaire de son livre une femme (le genre de femme qui a ses règles. Incroyable) à la peau foncée** – n’en déplaise à la dernière version animée qui a eu l’outrecuidance de la blanchir -. Folie.
Au delà de son physique, Casca est un personnage complexe à l’évolution continue. Cheffe d’unité du bel androgyne Griffith, elle entretient une relation compliquée avec son instable de patron et avec le héros Guts, dans une sorte de ménage à trois délétère emprunt d’amour et de jalousie. Maltraitée par une oeuvre intense et sans concession (Berserk est un peu le Game Of Thrones du manga en mille fois mieux), Casca dépeint une figure puissante de la femme soldat, tentant de survivre dans un monde fondamentalement hostile à son genre. Et elle demeure, de fait, le personnage le plus humain de la série.
** Certaines langues n’existant que pour gâcher nos maigres plaisirs avancent une théorie moins positive – et malheureusement pertinente – sur la couleur de Casca : la belle aurait la peau brune à cause du colorisme japonais voulant que la blancheur représente la féminité parfaite. Nous demanderons à Miura de définitivement trancher la question quand nous le rencontrerons.
Miyuki Ayukawa (Basquash! – animé) :
Miyuki est une des figures féminines les plus kawaii du manga de sport / mécha. Personnage secondaire de Basquash!, cette mécanicienne hors paire (assez rare pour les femmes, même si Hiromu Arakawa s’est évertuée à changer la donne dans Fullmetal Alchemist) n’en tient pas moins un rôle indispensable : c’est elle qui initie le héros à l’art subtile du pilotage de BigFoot, répare les robots de l’équipe et reconstruit les méchas quand nécessaire. D’une certaine manière, elle nous rappelle la princesse Shuri concernant l’importance de la représentation des femmes noires en STEM.
Olivier Armstrong (Fullmetal Alchemist) :
Que son prénom masculin (qui n’a sans doute rien à voir avec son caractère, mais plutôt avec l’amour des japonais pour le français) ne vous y trompe pas : vous avez ici à faire à une vraie cheFFE (bien qu’elle ait tendance à mépriser les attirails généralement accolés au féminin). Générale de Division, la surnommée « Reine des Glaces » dirige la forteresse Briggs, frontière comparable au Mur de Game Of Thrones ; sauf qu’au lieu des nullards qui composent la Garde de Nuit, Olivier est la despote d’une armée de vainqueurs craints de tous.
Exerçant ses fonctions d’une main de fer dans un gant d’airain, Olivier est tout ce que l’on peut espérer d’une dirigeante militaire : d’une droiture et intransigeance monomaniaques, elle déploie une philosophie de la force effrayante mais qu’elle a le bon ton de baser sur des années d’expérience et d’observation. Cette probité « éthique » lui permet de ne pas craindre le sacrifice tout en sachant s’effacer au profit du groupe, d’inspirer une loyauté sans faille chez ses soldats tout en les forçant à la réflexion propre. Elle est également celle qui invite Smith à rejoindre l’armée d’Amestris pour la faire évoluer de l’intérieur, et ce malgré son ethnie. Bref, Olivier Mira Armstrong est une incontestable – et incontestée – figure de leadeuse.
Nina (Monster) :
Le truc bien chez Noaki Urasawa, c’est qu’en plus de faire de chacun de ses livres un chef d’oeuvre, il traite les personnages féminins avec tout le sérieux et la complexité qu’ils méritent. C’est le cas de Nina, sœur jumelle du tueur en série de Monster, Johann Liebert. Nina est une étudiante en droit drôle, enjouée et fondamentalement altruiste, victime de la folie meurtrière de son frère lors de son vingtième anniversaire. Amnésique, elle part à la recherche de ses souvenirs et de son frangin dans le but explicite de lui régler son compte (notons qu’elle adopte cette optique non pas par vengeance mais par nécessité : celle de débarrasser le monde d’un monstre incapable de rédemption). Tout comme le héros Kenzou Tenma, Nina est un personnage central d’un manga construit autour d’une tension simple : à l’épreuve de l’horreur du monde, est-il possible même aux plus philanthropes de garder leur humanisme ?
Yoruichi (Bleach) :
Yoruichi est, comme on dit dans le jargon, un modèle de représentation positive : elle ne véhicule aucun cliché généralement accolés à sa couleur de peau (reconnaissons au manga cette réussite). Shinigami secondaire du culte Bleach, Yoruichi brille par sa personnalité à la fois intelligente, forte et espiègle, ainsi que par la liste impressionnante de ses faits d’armes et arsenal : cheffe du Clan Shihōin, capitaine de la Deuxième Division, commandante en chef des Services d’Espionnage et j’en passe, elle accumule également techniques de combats et armes diverses. Elle se remarque par son non respect des hiérarchies sociales et son vocabulaire parfois inattendu (elle se plait à utiliser des termes normalement réservés aux vieux hommes). Enfin, Yoruichi se transforme régulièrement en chat noir ; que demander de plus.
Motoko Kusanagi (Ghost In The Shell – version film 1995) :
Bravo, nous direz-vous, un cyborg dans les meilleurs personnage féminins. Et pourquoi pas ? Tout comme dans le cas de Kentaro Miura pour Casca, Masamune Shirow aurait très bien pu choisir un homme dans son rôle principal, rien ne l’obligeant à en faire une femme. Motoko Kusanagi est une figure centrale du manga, aussi bien de par un corps irréel dont elle se sert avec violence que pour une personnalité perdue dans les méandres d’une réflexion sur sa propre humanité. Ses monologues monochromes et ses immenses yeux bleus immobiles ont induit certaines des plus belles réflexions sur l’IA de la popculture. Pour aller plus loin tout en restant sur Girlshood, c’est par ici.
Michiko Malandro (Michiko to Hatchin – animé) :
Peu plébiscité dans l’univers du manga, Michiko to Hatchin (par la mangaka Sayo Yamamoto) gagnerait pourtant à être mieux connu. Sorte de road / escape movie déjanté et funky dans un Brésil bariolé, l’oeuvre a le mérite de mettre de très bons personnages en scène, dont la sulfureuse Michiko. À ma connaissance seule héroïne afro-latine du genre, la dame a tous les attributs de la diva (quitte à tomber dans les clichés au sang chaud de la femme latina) : féline, indépendante hors la loi, maligne, tatouée, gangster sur les bords, badass jusqu’à étouffement… C’est un peu beaucoup pour une même personne, mais c’est quand même très agréable à regarder.
Maho Sasaki (Je voudrais être tué par une lycéenne) :
Non amateur et amatrice de manga déviant s’abstenir : la promesse de ce livre est dans le titre. En deux tomes, le mangaka Usamaru Furuya nous raconte l’histoire de Haruto Higashiyama, jeune homme dont le brillant avenir se trouvera assujetti à une obsession : celle de mourir des mains d’une lycéenne. Devenu prof afin de réaliser son fantasme, il jette son dévolu sur Maho, une très jolie étudiante plutôt réservée. Sauf que cette dernière a un secret : sujette dés son plus jeune âge aux abus masculins, elle s’est forgée une deuxième personnalité d’une force surhumaine qui la protège en situation de danger. Sans concessions. C’est cette seconde personne que Haruto n’aura de cesse de vouloir éveiller pour mettre son plan à exécution – au détriment de toute considération pour la santé mentale déjà bien attaquée de la jeune fille -. Malgré une longueur limitée ne permettant pas le sur-développement, Maho se révèle un très beau personnage navigant entre les affres de la jeune fille amoureuse et l’impératif de force hérité d’une société patriarcale l’assujettissant au regard des hommes.
Bulma (Dragon Ball) :
Comme l’avait remarqué un twittos lors de la mort de Hiromi Tsuru, emblématique voix du personnage : pas de Dragon Ball sans Bulma. Tout a d’ailleurs commencé par la rencontre entre Son Goku, alors petit garçon à queue de singe, et la scientifique. Pourtant, avec ses cheveux bleus, ses shorts et ses décolletés à vous décoller les mâchoires, Bulma n’avait pas le physique type de l’emploi : l’Histoire se souviendra néanmoins d’elle comme le génie sous tendant l’oeuvre dans son ensemble, sans qui la moitié des aventures relatées par la maintenant fort longue série n’aurait certainement pas eu lieu (pour ne citer que lui : pas d’arc narratif « Cell et les cyborgs » sans les capsules temporelles de Bulma) ; et accessoirement, celle qui tient d’une main de fer le plus relou des Sayan.
Bonus : nous nous étions promis de nous limiter à 10, mais il y a évidemment beaucoup d’autres héroïnes qui méritent d’être connues. Aller checker du côté de Kurohime (Kurohime), Cornelia (Code Geass), Madame Red (Black Butler), Sakura (Cards’ Captor Sakura), Maka er Crona (Soul Eater), Shéhérazade (Trinity Blood), Gally (Gunnm), toutes les Sailor (Sailor Moon), C18 (Dragon Ball Z), les deux Nana (Nana), Sarah (Mother Sarah), Shibo (Blame!), Touka (Tokyo Ghoul), Erza Scarlet (Fairy Tail), Faye Valentine (Cowboy Bebop), les femmes de n’importe quel Ghibli…
PS : merci à Kim pour son aide.