C’est l’histoire de Colleuses. Des meufs comme toi et moi, des meufs qui en ont leur claque de la violence systémique contre les femmes, des meufs un peu désemparées qui cherchent à faire péter les lignes sans savoir comment y parvenir. Par contre, ces meufs ont compris un truc simple mais fondamental : elles n’auront une chance de gagner que si leurs idées occupent l’espace public. Et pour ça, vu qu’elles, elles n’ont pas la chance de s’appeler Zemmour ou autre avocat.e de la cause progressiste, elles collent. Et ça fonctionne. Alors c’est vrai, des fois, elles doivent gérer les Hommes Bien qui leur reprochent la violence de leurs messages, comme si ces slogans étaient pires que la réalité d’une femme morte sous les coups de son (ex)compagnon. Mais souvent, il y a aussi ces passantes qui s’arrêtent et qui les remercient, l’émotion dans la voix. Alors elles continuent.
C’est l’histoire de soirées frissonnantes où, les sens aux aguets, elles repèrent, s’organisent, surveillent et recouvrent les rues de leur ville respective. Elles s’aventurent aussi dans les beaux quartiers de Paris, sachant pertinemment que les slogans collés ne tiendront pas deux jours. Mais elles se disent que si ça peut aider une femme à se sentir moins seule ou en faire réfléchir une autre, c’est toujours ça de pris. Le lendemain, en cours ou au travail, leurs yeux cernés, leur esprit vagabond et leur cœur en colère témoignent de la difficulté de l’exercice : mais elles continuent tout de même. Et puis elles flippent à chaque fois qu’elles entendent une sirène. D’ailleurs, elles on remarqué que la police était de plus en plus zélée dans la répression de leurs actions. Et vu qu’ils sont vraiment zélés, parfois, elles finissent par se faire gauler. Ils relèvent leur identité, les obligent à décoller, confisquent leur matériel et leur mettent des amendes. Quand ça arrive, elles se disent que peut-être un jour ils seront aussi zélés pour intervenir quand une femme signale un conjoint violent. Ce sont des rêveuses, les Colleuses.
Dans ce conte, il y a aussi un protagoniste de moins en moins charmant, le Gouvernement. Ce Gouvernement avait fait de l’égalité homme-femme sa Grande Cause : en fait, comme sur pas mal d’autres sujets, il peine à tenir parole. Par contre, ce Gouvernement est relativement bon en com’ : pour preuve, il a mis en place un Grenelle censé répondre aux féminicides. Les Colleuses ne sont pas dupes. D’ailleurs, personne ne l’est. Même les Boomers du Sénat ne le sont pas ; tu vois le niveau de défiance. Et puis un jour, pour « fêter » la fin du Grenelle et alors que la semaine précédente elles se sont mangées 600 euros d’amende, le Gouvernement leur demande de recouvrir Matignon de leurs messages. C’est marrant, parce que Matignon elles y étaient il n’y a pas si longtemps : et à ce moment, les flics étaient beaucoup moins conciliants pour les collages. Mais le Gouvernement, fier d’un Grenelle vide et mensonger, leur demande tout de même de récupérer leur travail à des fins de communication. En toute détente. Evidemment, elles ont dit non ; et c’est à lire ici.
Ce conte vous est offert par le duo « Indécence Crasse » et « Hypocrisie ».
A.R., 25/11/2019