On monte dans un train de nuit Paris-Rome et on est dans un roman. Compartiment couchettes. Au petit matin les stores les paupières se relèvent dans une lumière dorée comme jamais.
Isa ne parle pas un mot d’italien. Elle est invitée à un anniversaire dans un village du Latium, c’est l’occasion de pousser jusqu’à Rome, Nils a une amie qui vit là-bas, il a des amies partout. Elle a oublié comment ils se sont rencontrés, n’a jamais entendu parler de Laure avant de mentionner cette invitation italienne, on pourrait rester une nuit et remonter par la côte, le train longe la mer il paraît que c’est super beau. Nils et Isa viennent de se rencontrer, enfin non, de se mettre ensemble, ils se connaissaient déjà avant, ils n’habitent pas dans la même ville, font l’amour dès qu’ils se retrouvent.
Dans le train au matin, leur seul voisin sorti se dégourdir les jambes dans le couloir, Nils la caresse. Une seconde après, la porte du compartiment s’ouvre.
De la ville à peine entrevue elle se souviendra avoir été marquée par le forum, la végétation entre les ruines, les chats errants.
Ils ont rendez-vous avec Laure en fin d’après-midi, elle doit les rejoindre en sortant du travail. Une petite place, une fontaine bien sûr, ils attendent, Laure est en retard. Soudain, une jeune femme arrive en courant vers eux et la scène se fige. Isa n’entend plus rien, son cœur s’emballe.
Laure les embrasse, Nils ! ça fait longtemps, enchantée, bienvenue à Rome, elle a les joues rouges, les cheveux noirs en bataille, un grand sourire elle les entraîne dans les rues de sa ville, dans un café où de vieux Romains jouent aux cartes, leur montre les incontournables, Isa n’en revient pas, ne dit pas un mot ou ne se souvient absolument pas de ce qu’elle dit, elle voit la ville à travers les yeux de Laure, ne voit que ses yeux. Laure les emmène manger dans un restaurant où on sert un plat unique, du poisson, des beignets de courgettes, Nils et elle échangent des souvenirs, des nouvelles de connaissances en commun. Laure la regarde bien un peu mais le plus naturellement du monde, comme si elles se retrouvaient elles aussi alors qu’Isa est sous le choc, prise au dépourvu par la beauté de ce visage.
Plus tard dans la soirée ils marchent encore longuement dans la ville, découvrent Rome de nuit, ils n’ont pas beaucoup de temps, demain matin déjà un train les emmènera vers le nord. Au détour d’une ruelle ils arrivent devant le vieil immeuble de Laure, son appartement sur cour, une porte ancienne, des barreaux aux fenêtres, des plantes partout. Elle leur montre la petite salle de bains, robinetterie désuète, fleurs séchées, odeur de savon, la chambre de l’autre côté de la pièce à vivre, des livres, un bureau, des draps blancs, leur dit qu’ils peuvent dormir ici, elle va s’installer dans le salon.
Ils boivent une eau-de-vie, trinquent en riant, il est presque une heure, ils se disent bonne nuit.
En ressortant de la chambre pour passer à la salle de bains, la vision de Laure en train de lire sur son matelas le long du canapé, le halo d’une petite lampe sur son visage, sur le dos, une chemise d’homme, les jambes nues, elle baisse son livre un instant et elles se sourient, une seconde fois lorsque Isa repasse, se redisent bonne nuit, Laure éteint et ses jambes sont toujours là dans la nuit, sa chemise qui se froisse, sa tête qui se pose sur son coude, son corps tourné vers elle.
Il fait chaud dans la chambre. Nils a les yeux fermés. Isa se déshabille, se glisse contre lui, une jambe repliée sur les siennes. Il pose sa main dans son dos, se rend compte qu’elle est nue, descend vers ses fesses et elle se tourne, les bras derrière la tête les seins dressés, perdue loin. Il la touche, elle est trempée, il descend entre ses cuisses, durcit encore en prenant ses fesses dans ses mains, les écarte pour entrevoir son sexe à la lueur des persiennes. Ils ne font pas un bruit. Nils n’imagine pas qu’elle est juste de l’autre côté de la porte, sur un matelas posé sur les vieilles tomettes, que ses doigts, sa langue, c’est ce visage, ces yeux noirs penchés sur elle, sa langue à elle qui glisse sur ses lèvres, ses doigts qui s’enfoncent lentement en elle. Isa se contracte, respire fort, Nils l’embrasse, elle n’ouvre pas les yeux, s’endort.
Au matin, ils se préparent tous les trois comme des colocataires de toujours, pas le temps de prendre un café, mais Laure les accompagne à l’arrêt de tram. L’air sent le printemps, Laure a juste enfilé un jean et des chaussures, rit d’elle-même une fois dans la rue de sortir comme ça, à moitié en pyjama.
Ses yeux qui plissent, ses seins qui pointent sous le tissu de la chemise, Isa ne s’en remettra jamais.