Aujourd’hui pas de blague. Pas de quoi se marrer, préparez vos visages d’indigné(e)s. Vous avez lu le titre et vous avez cliqué donc j’en déduis que vous êtes déjà prêt(e)s à gueuler. Tout a commencé quand un soir, de retour d’une soirée sympa entre copines au resto, nous remontions la rue avec ma copine C.. On est en plein Schöneberg, Nollendorfplatz pour être exacte, genre le Marais pour situer. En un peu moins classieux puisqu’on est à Berlin mais vous voyez l’idée, mais en fait je ne vois pas pourquoi je précise, on aurait pu être au fin fond de Neukölln (Saint-Denis), ça n’aurait rien changé. Bref. On remonte la rue, toutes guillerettes, moi avec un jean et des baskets, elle avec une parka –et là encore, merde pourquoi je suis déjà en train de me justifier en vous décrivant nos vêtements, on aurait pu être en body talons hauts que ça n’aurait rien dû changer à la chose. Re-bref. On remonte la rue en papotant, et là un mec, un petit mec (sauf qu’il aurait pu faire 3 mètres de haut ou être en fauteuil roulant ça n’aurait rien changé non plus, vraiment il y a encore du travail sur le sujet), notre gabarit, 20 ans à peine, s’avance vers nous dans l’autre sens, et, d’un coup, tel le vilain serpent, se rapproche de nous et murmure un truc à l’oreille de C.. Celle-ci, outrée, me dit, en continuant à marcher :
« Eh ben dis donc, c’est bien la première fois que ça m’arrive à Berlin !
-Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
-Rien, mais il m’a mis une grosse main aux fesses. »
Et là mon sang n’a fait qu’un tour, chez moi, sur ce genre de sujets le vase a depuis longtemps débordé.
« NON MAIS ÇA VA PAS ?! CONNARD !!!
Qu’est-ce qui te prend ?
Reviens ici tout de suite !
Tu t’es cru où ?
Ce n’est absolument pas normal tu m’entends ?
Ce n’est pas normal !!
-Ok ok c’est bon c’est bon.
-Non ce n’est pas bon !
-Ce n’est ABSOLUMENT PAS BON. »
Bref j’ai crié un moment, mais il était trop loin maintenant, et mes jambes n’avaient pas voulu lui courir après, car j’avais mis un peu trop de temps à réaliser. Mais j’étais sûre d’une chose, c’est que si c’était MES fesses qu’il avait empoignées, je l’aurais plaqué au mur et je lui aurais mis mon poing dans la gueule, il aurait pris pour tous ses collègues qui m’ont injuriée/touché le cul/caressé les cheveux depuis dix ans.
C’est cette même histoire que je racontais à mon meilleur copain M. le week-end suivant. Et là, je vous jure que je n’invente rien, M. me répond :
« Ouais ben fais gaffe quand même. Si tu l’avais frappé, tu te serais retrouvée au poste. »
WTF ??!!
« Non mais je parle pas de lui casser le nez et lui briser les couilles, mais lui apprendre la leçon quoi.
-Oui mais même, en Allemagne ce n’est pas reconnu ce genre d’agressions sur les femmes.
En fait le viol ça n’existe pas vraiment aux yeux de la loi.
-PARDON ? PAR-DON ? »
Je me suis donc empressée de chercher sur internet le comment du c’est-quoi-ce-bordel.
Vous remarquerez que Causette en fait également mention dans le numéro de ce mois-ci :
Alors entre les vagues idées de M., et ce petit paragraphe de Causette, voici ce que je découvre en comparant Allemagne et France.
En France, l’info n’est pas difficile à trouver, je tombe directement sur le site stop-violences-femmes qui m’explique que :
Les agressions sexuelles autres que le viol sont des délits. Elles sont définies comme « un acte à caractère sexuel sans pénétration ommis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise ». Il peut s’agir par exemple de caresses ou d’attouchements de nature sexuelle.
La contrainte suppose l’existence de pressions physiques ou morales. Par exemple, elle peut résulter de l’autorité qu’exerce l’auteur sur la victime. La menace peut être le fait pour l’auteur d’annoncer des représailles en cas de refus de la victime. Il y a recours à la surprise lorsque par exemple la victime était inconsciente ou en état d’alcoolémie.
Moi quand j’ai vu surprise je me suis dit : « Ah ben oui voilà, il nous a fait le coup de la surprise, on était tellement surprises d’ailleurs qu’on n’a même pas pu courir le tabasser. » Sauf que je n’ai pas l’impression qu’on parle de la même surprise. Du coup je me demande : est-ce que dans la loi française, si j’avais couru derrière ce type pour lui signaler que ce n’était absolument PAS NORMAL qu’il mette sa main sur la fesse de ma copine pour lui montrer au hasard du chemin que les hommes ont bel et bien le pouvoir sur les femmes, quoi qu’il arrive, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, et si je m’étais aidée d’une bonne gifle pour cela, et s’il se trouvait qu’il avait le nez fragile et que je l’avais brisé sans vraiment le vouloir, est-ce que j’aurais été punie par la loi ? Obligée de lui verser des dommages et intérêts peut-être ?
Mais nous n’étions pas en France, nous étions en Allemagne. Alors que dit la loi ?
Le site Frauen Gegen Gewalt me rassure, ils me disent bien que se faire toucher le cul par un inconnu c’est bien de la violence sexuelle.
Bon, c’est déjà bien, mais au niveau de la loi donc ?
Déjà, il faut noter que l’Allemagne donne la définition du viol la plus restrictive :
Comprenez que pour vous déclarer violée, il faut que vous soyez violentée, que votre corps ou votre vie soit menacés, et que vous ne puissiez pas vous échapper. BOUM donc le viol par votre patron à qui vous n’osez pas dire non de peur de perdre votre job, le viol conjugal où vous n’avez pas crié pour ne pas réveiller les enfants, et où vous auriez pu vous réfugier chez les voisins tout ça tout ça, vous pouvez oublier hein. Et puis tout à la fin vous lirez qu’en ce cas, l’agresseur prendra AU MOINS (attention c’est dur) un an de prison.
Bref, rien d’étonnant à découvrir que le concept d’attouchement sexuel n’existe pas chez nos voisins allemands. Du coup les événements à Cologne ça n’a pas fait que nourrir les discours xénophobes, ça a aussi permis de relancer le débat autour de la législation du viol et des délits sexuels. Histoire que la surprise et la menace psychologique soient également prises en compte.
Mais bref, comme le dit Slate dans son article (bien sourcé donc je vous le mets), si un homme décide de passer sa main sous votre jupe dans un escalator, en soi rien ne l’en empêche, et en droit non plus. Excusez-moi je dois vous laisser, une furieuse envie de frapper dans le mur.
En attendant voici de très bons liens à (re)découvrir sur le sujet :
-le Tumblr qui recense et met en dessins toutes ces agressions qu’on subit tout le temps : Projet Crocodiles
-la chanson de Jeanne Cherhal, « Quand c’est non c’est non » :