Parfois, rédiger la « Revue du Web » n’est pas une mince affaire. Cette semaine a par exemple frôlé l’échec cuisant. Le contenu ne manque pas pourtant, on aurait même tendance à s’y noyer. Mais, ayant à cœur de prendre relativement soin de la santé mentale de notre lectorat via le partage de news au capital « badance » faible, je tenais à éviter les nouvelles révélations de Médiapart dans « l’affaire Maria » – au cas où vous placiez encore quelques espoirs dans l’IGPN – ou les ignominies de LCI – me faisant regretter de m’appeler Julie. Quand vous voulez faire dans de l’actualité positive, c’est tout de suite plus compliqué.
Finalement, c’est en traînassant sur notre site que le déclic libératoire se fit : je me rendis compte que je ne vous avais jamais parlé d’Euphoria. Bizarre, car nous avons là une oeuvre provoquant une mise au vert électrique de l’ensemble des voyants « excitation maximale de Juju » : série HBO, Zendaya en personnage principal (petite, je n’aurais même pas osé rêver d’une héroïne métisse habillée comme Seth Rogen manœuvrant au cœur de sa tortueuse psyché à grands coups de drogues, d’humour noir et d’amour pour une blonde irréelle. Comme quoi tout arrive), la découverte d’Hunter fucking Schafer, une BO de malade signée Labrinth (que vous pouvez retrouver dans nos dernières playlists), des pilules, de la dépression, de grandes déclarations existentialistes, des paillettes, de la non binarité, de la méta-popculture, du Tumblr… Que demande le peuple.
Vous avez déjà échappé à un article sur le sujet : je continuerai donc à vous épargner et laisserai plutôt Wired se charger du boulot, elleux qui considèrent Euphoria comme une « délicieuse et anxieuse série d’une photographie colorée comme un bonbon, au scénario émotionnellement turbulent, comme une chronique du vice adolescent ». Qualifiée de show anti binging, le média revient sur la profondeur et la densité acidulée de la série tout en en proposant une analyse fine, notamment via un fort paragraphe sur le 7ème épisode très justement intitulé : « Essayer de pisser pendant une phase dépressive : épreuves et tribulations ».
Je me permettrai tout de même de relever deux points de contentement personnel : tout d’abord, notons le traitement vraiment malin de la masculinité toxique, crescendo trouvant son apothéose dans la scène finale entre Nate et son père, mode d’emploi à la création d’un monstre. Surtout, Euphoria déploie quelques instants d’une rare acuité, moments de sagacité fine et douloureuse demandant, pour être formulés ou appréhendés, d’avoir, sinon touché, du moins frôlé le fond. C’est Joaquin Phoenix qui, par un élan nerveux et rieur, gribouille “The worst part about having a mental illness is, people expect you to behave as if you don’t” dans Joker. C’est Zendaya, laconique et résignée, qui évoque la compression du temps opérée par la dépression, transformé en une « boucle suffocante et sans fin ». Man, I felt that. À lire ici.
Jason Parham, 08/06/2019
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